Triple peine à Sainte-Hélène – Des nouvelles de Bertrand
"Deux fois la route, trois fois la peine". Comme le veut cet adage de la course au large, c'est bien au près que Bertrand de Broc s'est résolu vendredi dernier à entamer le contournement par l'ouest de l'anticyclone de l'Atlantique Sud. A l'heure où la tête de flotte affolait les compteurs, propulsée à des vitesses explosives dans des surfs à l'avant d'un front dépressionnaire de l'autre côté de ce vaste système de hautes pressions, Votre Nom Autour du Monde avec EDM Projets devait ronger son frein, contraint de faire le grand tour de la paroisse, dans des vents contraires, pour échapper aux petits airs de cette satanée Sainte-Hélène. En barrant la route du petit groupe de l'arrière, ce garde-barrière des latitudes australes, a verrouillé la porte à double tour et généré de sérieux écarts avec les leaders.
En 12è position, Bertrand a dû s'armer de patience, de courage, et de conviction pour déjouer cette météo qui a permis aux bateaux de l'avant de prendre la poudre d'escampette dans les classements au détriment de ceux de l'arrière. Parmi eux, seul le skipper espagnol Bubi Sanso parvenait à se faufiler in extrémis pour s'accrocher aux trousses du trio international Golding-Le Cam-Wavre.
Pour faire face à cette situation, Votre Nom Autour du Monde avec EDM Projets a planté l'étrave vers le bas, et tricoté sa route à coups de bord à tirer pour aller attraper les vents plus musclés et plus favorables dans le sud. La nuit dernière, il a pu enfin incurver sa trajectoire vers l'île de Gough et la premières porte des glaces, la porte des Aiguilles, que les trois premiers bateaux ont passée dans la matinée.
Après un week-end à la peine, les affaires reprennent donc doucement, mais sûrement. Dans un flux de nord-nord ouest qui se stabilise, le monocoque aux étoiles dorées, qui progresse par 37° sud, allonge surtout la foulée dans un décor, plus froid, plus gris, qui commence à ressembler au Grand Sud. Avec plus de 15 noeuds au compteur, Bertrand peut à présent espérer tirer les bénéfices des milles investis aux détours de l'anticyclone, et reprendre du terrain sur ses plus proches concurrents qui ont privilégié la route la plus courte. Tanguy de Lamotte sur Initiatives Coeur n'est plus très loin, il progresse 70 milles devant à moins de 12 noeuds. Quant à Arnaud Boissières sur Akena Vérandas, il affiche moins de 300 milles d'avance en 10è position.
Bertrand de Broc, dimanche, à la vacation avec le PC du Vendée Globe :
"C'est vrai que ça commence à taper sur les nerfs. Sainte-Hélène nous fait des petites misères. Mais sinon, c'est grand bleu, ça repart à 8 noeuds. Il fait grand beau, et je fais le bricolage du dimanche. La dernière fois, Sainte-Hélène m'avais déjà joué un mauvais tour, c'est un passage obligatoire, et on s'est pris un peu la porte dans la gueule. La flotte est vraiment divisée en trois groupes, avec Bubi Sanso au milieu. Je contourne l'anticyclone par l'ouest, normalement le vent devrait rentrer ce soir, et je pourrai reprendre la route en direction de l'île de Gough. J'ai une liste de petits problèmes techniques à résoudre avant d'attaquer une météo plus coriace. Je me suis suspendu à l'arrière avec le harnais pour enlever un bout coincé dans les pales de l'hydrogénérateur que j'ai démonté et remonté pendant deux heures.
Sinon, je suis en forme excellente, même si je suis un peu frustré d'être resté sur le carreau comme ça. Avec Arnaud (Boissières, ndlr), on a pris le pot au noir pas trop correctement, et maintenant c'est Sainte-Hélène qui s'y met. "
Brrrr…… Bienvenue aux portes du palais des glaces !
Les portes des glaces qui jalonnent le parcours du Vendée Globe tout autour des mers australes ont été mises en place par la direction de course pour éviter que les bateaux ne viennent se hasarder dans des zones propices aux glaces et aux icebergs. Déjà présentes lors de la dernière édition, ces marques de parcours s'appuient sur les progrès réalisés en matière d'observation satellite pour ceinturer le grand tour de piste à travers les eaux de l'océan Indien et du Pacifique Sud. "Ces portes font désormais partie du paysage du Vendée Globe. Elles répondent à un impératif de sécurité, afin d'éviter que la flotte ne descende trop sud, et ne vienne flirter avec des icebergs à la dérive", explique Alain Gautier, consultant sécurité auprès de la direction de course. Longues de 300 milles, ces portes obligent les concurrents à passer au moins une fois dans leur nord entre les deux points virtuels qui les matérialisent.
Conseillée par CLS, le spécialiste de l'observation du déplacement de la banquise, la direction de course a dû récemment déplacer le positionnement des deux premières portes, celles des Aiguilles aux abords de Bonne Espérance, et celle de Crozet au nord de l'archipel éponyme. Par ailleurs, pour tenir compte de la forte concentration de glaces, observée récemment dans le sud des Kerguelen, un nouvelle porte, celle d'Amsterdam, est venue compléter le dispositif.
Au nombre de huit, le passage de cette succession de portes va donc ponctuer, dans les semaines à venir toute la course de Votre Nom Autour du Monde avec EDM Projets entre les caps Bonne Espérance, Leeuwin et Horn. " Pour de très bonnes raisons, qu'on comprend tous bien, il est difficile d'envisager faire la course sans ces portes. Pourtant, il est vrai qu'elles réduisent l'amplitude pour naviguer et la liberté d'action qu'on peut avoir pour aller chercher les vents favorables du train dépressionnaire qui circule à travers les mers du sud," explique de son côté Bertrand.
Autre avantage et pas des moindres, ces portes, dont chacune donne un pointage précis de la flotte, attisent aussi le suspense et la compétition. Ce qui n'est pas pour déplaire à tous ceux qui suivent la course avec passion…
Source: bertrand-de-broc.fr